Pour la Saint-Valentin, notre équipe de correspondants vous présente des couples à la frontière, qui dépassent les conventions : après les amoureux à la frontière religieuse au Liban, découvrez l’histoire d’un couple de pouvoir qui transcende les normes sociales en Nouvelle-Zélande.
« Je serai Première ministre ET maman, Clarke (…) sera homme au foyer. » Jacinda Ardern, 37 ans et cheffe du gouvernement néo-zélandais, a annoncé sa grossesse il y a près d’un mois sur les réseaux sociaux. « Je ne suis pas la première femme à faire plusieurs choses en même temps, à travailler et avoir un enfant », a-t-elle plus tard précisé à la presse.

Jacinda Ardern, lors d’un meeting à l’Université d’Auckland, en septembre 2017. © CrossWorlds / Ulysse Bellier
Jacinda Ardern et son compagnon Clarke Gayford ont appris la nouvelle en octobre dernier, alors qu’avaient lieu les discussions visant à former une coalition gouvernementale. C’est son principal partenaire politique, le Vice-Premier ministre Winston Peters, qui prendra ses fonctions durant les 6 semaines suivant la naissance de l’enfant, prévue en juin.
Tricoter pour le premier bébé
Dans le premier pays du monde à avoir accordé le droit de vote aux femmes (1893), la nouvelle a été saluée presque unanimement par la classe politique. Le leader du parti écologiste, dans la majorité, exprime une fierté nationale :
« Qu’une femme puisse être Première ministre de la Nouvelle-Zélande, et choisir de bâtir une famille alors qu’elle est en fonction, dit beaucoup du type de société que nous incarnons : moderne, progressiste, inclusive et égalitaire », a déclaré James Shaw sur Facebook.
Le principal opposant politique de Jacinda Ardern et ancien Premier ministre de droite, Bill English, lui a aussi souhaité « tout le meilleur ».
De leur côté, de nombreux Néo-zélandais ont accueilli la nouvelle sur les réseaux sociaux en proposant de tricoter pour le bébé de la première ministre travailliste, sous le hastag #KnitforJacinda (#tricotez pour Jacinda).
Devenue tête de liste du parti travailliste à deux mois des élections générales, en août dernier, Jacinda Ardern s’était fait remarquer lors d’un interview au cours duquel le journaliste l’avait questionné concernant la possibilité d’une maternité pendant son mandat.
« Il est totalement inacceptable en 2017 d’estimer que les femmes doivent répondre à cette question », avait rétorqué Jacinda Ardern.
« Le choix du moment pour avoir des enfants appartient aux femmes. Cela ne doit pas déterminer le fait de décrocher ou non un emploi. »
Sa réponse l’avait propulsée sur le devant de la scène et avait fait la Une des titres, exclusivement de manière positive.
Durant la campagne électorale qui a suivi en août et septembre 2017, Jacinda Ardern avait confirmé sa position de candidate jeune et progressiste, jusqu’à la victoire, mettant fin à neuf ans d’exercice du pouvoir par le Parti National, de centre droit.
Elle avait notamment proposé de sortir du droit pénal la législation concernant l’avortement pour l’intégrer dans le droit de la santé – en Nouvelle-Zélande, l’avortement est toujours légalement une infraction, même si dans les faits il reste assez largement accessible.
À l’issue des élections législatives du 23 septembre, la droite est arrivée en tête mais sans majorité absolue, et c’est finalement les trois autres partis présents au parlement (Travaillistes, verts et le parti populiste New Zealand First) qui ont formé une coalition de changement, avec à sa tête Jacinda Ardern.
Une grossesse virale
Si elle n’est pas la première cheffe de gouvernement à mettre au monde un enfant pendant son mandat, la nouvelle a cependant eu un impact international.
Plus de 800 articles de presse ont recensé la nouvelle à travers le monde, et Mme Ardern a reçu des messages de Theresa May, son homologue britannique, ou encore du Premier ministre australien Malcolm Turnbull.
Cependant, cette célérité semble se limiter aux réactions diplomatiques – le chemin est long avant que, à travers le monde, les femmes politiques disposent d’une telle liberté. Malgré de telles avancées, aujourd’hui moins d’une vingtaine de pays sont dirigés par des femmes.
Ulysse Bellier
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